Roma : cadre large et intimité — le choix d’Alfonso Cuarón

Celine

découvrez comment alfonso cuarón marie avec brio plans larges et scènes intimes dans 'roma', offrant un regard unique et sensible sur la vie quotidienne au mexique dans les années 1970.

Alfonso Cuarón, réalisateur mexicain acclamé, a choisi avec « Roma » de mêler un cadrage large à une intimité bouleversante. Ce film, récompensé au Festival de Venise et aux Academy Awards, dépeint une famille de la Ciudad de México dans les années 70, mettant en lumière le personnage de Cléo, la domestique incarnée par Yalitza Aparicio. L’astuce de Cuarón : ne jamais placer Cléo au centre exact des plans, reflétant son statut marginal et en même temps sa nouvelle centralité symbolique dans la famille. Ce jeu subtil de caméras panoramiques et de travellings offre une lecture visuelle puissante, où l’intime et le large se répondent sans jamais se confondre.

Ensuite, découvrez comment cette approche éclaire le récit, le rôle exact de Cléo et son déplacement progressif vers un rôle maternel central malgré l’absence du père. Le film s’appuie sur une reconstitution méticuleuse, avec un noir et blanc Dolby de toute beauté, tourné en numérique 65 mm. Plongez également dans la logique de ce voyage à la mer, qui déconstruit puis réagence la cellule familiale, et comment le cadre large intensifie l’émotion contenue.

En bref :

  • Cadre large et intimité : Cuarón capte la dimension familiale par des plans amples mais toujours focalisés sur le décalage de Cléo.
  • L’absence du père : elle structure la recomposition du noyau familial autour de Cléo et la mère.
  • Technique visuelle unique : caméra Arri Alexa 65 au format 2,35:1 sous la lumière d’Emmanuel Lubezki, tournée en 65 mm.
  • Le rôle de Cléo : marginale en apparence, mais centrale à la dynamique familiale reconstruite.
  • Résonance émotionnelle : le voyage à Tuxcan, loin d’être idyllique, révèle un réagencement affectif et social.

Cadre large et décalage : la signature visuelle d’Alfonso Cuarón dans Roma

Dans Roma, la caméra ne fixe jamais Cléo directement au centre de l’image. Elle est décalée, reflétant sa position d’employée de maison, marginalisée socialement. Ce choix photographique s’appuie sur un remarquable travail de mise en scène et des panoramiques qui éloignent puis rapprochent Cléo sans jamais sacrifier la profondeur de champ. Emmanuel Lubezki, directeur de la photographie, appuie cette esthétique avec le noir et blanc Dolby, tourné en format large 2,35:1 avec une Arri Alexa 65 chez Focus Features.

Voici quelques éléments clés de ce style :

  1. Plans larges qui montrent la complexité du décor et des relations sociales.
  2. Cléo, toujours sur un bord du cadre, souligne son statut marginal.
  3. Caméra à 180 degrés pour faire sentir la distance physique et émotionnelle.
  4. Travellings fluides racontant le déplacement physique et symbolique des personnages.

Ce dispositif visuel renforce le sentiment d’une famille instable, concentrée sur un point mouvant, à l’image du père absent.

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L’absence du père et la réorganisation familiale autour de Cléo

Roma évoque plus la disparition que la présence du père : son absence crée une tension visible dans la composition des plans. La maison semble vacante au centre, un vide que Cléo, la domestique, finit par combler. Par exemple :

  • Les plans horizontaux montrent une distance sociale palpable entre Cléo et le reste de la famille.
  • La séparation entre la mère, les enfants et Cléo est matérialisée par un large intervalle.
  • Au bord de la mer, alors que l’on pourrait s’attendre à un moment de détente, c’est un creux émotionnel et physique qui s’installe avec le soleil violent et les brûlures.

Cette narration visuelle exprime l’adaptation affective, où la figure maternelle se déplace du père vers Cléo, opérant une vraie recomposition du noyau familial.

Tournage et esthétique : la magie technique de Roma

Roma est tourné en 65 mm numérique, offrant une résolution qui permet un tirage 70 mm. La caméra Arri Alexa 65 révèle ainsi une précision exceptionnelle des détails, avec la maîtrise de la lumière d’Emmanuel Lubezki. Le noir et blanc, privilégié plutôt qu’un filtre coloré, donne un rendu intemporel, capturant Ciudad de México des années 70 dans ses moindres grains. La bande son Dolby complète l’immersion en rendant à la fois détail et ambiance atmosphérique, valorisant chaque souffle, chaque silence.

  • Format 2,35:1 pour élargir le champ visuel et capter l’ambiance urbaine.
  • Travail de la lumière naturelle combinée à un éclairage subtil qui modelent chaque plan.
  • Praxis filmique où le réalisateur est aussi directeur de la photographie.

Le voyage à la mer : métaphore d’un nouveau centre familial

La séquence où la famille s’éloigne vers la plage de Tuxcan illustre parfaitement la recomposition familiale. Si au départ, le cadre impose un ordre ancien, marqué par l’absence du père et des écarts sociaux, la fin de la séquence montre Cléo comme nouveau pivot :

  1. Cléo, déplacée sur le bord, entraîne progressivement les enfants et la mère dans son sillage.
  2. Les amples mouvements de caméra témoignent de ce déplacement social et familial.
  3. Un arc de cercle se forme autour de Cléo, recomposant une famille nouvelle, sans père.
  4. Le soleil couchant scelle symboliquement cette nouvelle unité.

Ce changement radical est un message fort sur les familles modernes et marginales. Le paradigme paternel cède la place à une maternité multiple et recomposée.

Roma figure désormais comme un exemple marquant du cinéma qui mêle innovation technique, récit intime et engagement social. Un film à redécouvrir notamment grâce à sa sortie en DVD par The Criterion Collection, disponible sur des plateformes comme Netflix.

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